Mise à jour de la situation humanitaire, Mars 2025

Faits saillants

Déchargement des vivres du Programme alimentaire mondial (PAM)
Déchargement des vivres du Programme alimentaire mondial (PAM) sur la rivière Chinko, destinés aux demandeurs d'asile soudanais installés à Dembia sur l'axe Rafaï-Zémio.
  • En 2025, la communauté humanitaire en RCA planifie d’assister 1.8 millions de personnes les plus vulnérables. 326.1 millions de dollars américains sont requis.

  • Les acteurs humanitaires ont fourni une assistance vitale à 1,7 millions de personnes en 2024.

  • Face à l'insécurité dans leurs villages, des tchadiens cherchent refuge dans le nord-ouest de la Centrafrique

Dernière mise à jour : 7 mars 2025

Les besoins et la réponse humanitaires en 2025 : un défi à l’épreuve des ressources

Date : mars 2025

Les besoins et la réponse humanitaires en 2025 : un défi à l’épreuve des ressources
Roland a appris à tisser des sacs grâce à une formation organisée par l’un de nos partenaires humanitaires. Ancien pêcheur, l'insécurité l'empêchait de travailler librement. Tisser est maintenant un nouveau moyen de subvenir à ses besoins. Ndjoukou, Préfecture de la Kémo. Credit: OCHA/Renzo Grande

Les besoins humanitaires demeurent importants en République centrafricaine (RCA), malgré la récente amélioration de la situation sécuritaire dans certaines localités, avec des proportions encore élevées de personnes vulnérables révélées l’évaluation multisectorielle des besoins. C’est le constat qui résulte de données évidentes collectées auprès de ménages, de l’analyse conjointe du contexte par la communauté humanitaire, et des consultations conduites à la base avec les représentants des communautés affectées.

Même si la tendance de chocs récents auxquels les populations font face est à la baisse depuis environ deux ans, notamment les affrontements entre hommes armés, la situation demeure préoccupante dans les régions où l’insécurité reste présente et où la population est exposée aux problèmes structurels et ceux liés aux intempéries. Suite à l’insécurité, un Centrafricain sur cinq demeure déplacé soit à l’intérieur du pays ou à l’étranger, principalement dans les pays voisins à cause de l’insécurité engendré par le conflit. Des affrontements entre les parties au conflit et des attaques contre les civils et infrastructures associées restent récurrents et continuent d’entraîner de nouveaux déplacements qui impactent négativement le bien-être des habitants.

L’ampleur des besoins humanitaires

2,4 millions de personnes – ou 37,5% de la population - sont extrêmement vulnérables en 2025, au point que seule l’assistance humanitaire ne sera suffisante pour rétablir leur bien-être, la plupart des besoins découlant des chocs récents liés au conflit. La baisse de ce nombre comparé à 2024 est partiellement liée à l'amélioration de la situation sécuritaire dans certaines localités, et au fait que la communauté humanitaire a mené une analyse et un ciblage rigoureux des besoins humanitaires, plaidant pour un financement du développement là où la situation s'est améliorée. Les zones frontalières avec le Tchad et le Soudan, le Sud-Est et l’Ouest continuent de faire face à des défis d'insécurité et de déplacements.

Pour s’assurer que les préférences des communautés affectées soient prises en compte, 14 000 ménages ont participé aux groupes de discussion avec les acteurs humanitaires. Il en a découlé que les besoins prioritaires exprimés par les communautés affectées concernent respectivement les secteurs de l’eau, l’hygiène et l’assainissement, la sécurité alimentaire et la santé.

Le coût de la réponse humanitaire 

Pour répondre aux besoins ci-haut exprimés, en tenant en compte les priorités face aux ressources disponibles, la communauté humanitaire devra mobiliser 326,1 millions de dollars américains pour assister 1,8 million de centrafricains les plus vulnérables. Les zones prioritaires pour l’assistance humanitaire sont celles affectées par des chocs (conflit et violences, catastrophes, épidémies…) lors des 12 derniers mois et/ou celles où les personnes déplacées représentent au moins 25% de la population totale. Dans le reste de zones, la communauté humanitaire encouragera d’autres acteurs, notamment ceux du développement, à capitaliser entre autres sur les acquis de la réponse humanitaire pour répondre à des problèmes structurels. Toutefois comme l’a montré le contexte centrafricain, une zone jadis stable peut subitement connaître des chocs et entraîner des besoins humanitaires. En appui au gouvernement dans sa responsabilité première d’assurer le bien-être de la population, les acteurs humanitaires à travers leur présence physique continueront d’assurer une veille sur l’ensemble du territoire national, afin que personne ne soit laissé pour compte, en fonction de ressources disponibles et des priorités existantes.

Des ressources de plus en plus limitées

Déjà source d’inquiétudes en 2024, les ressources pour répondre aux besoins humanitaires en 2025 mettent sévèrement à l’épreuve l’aide humanitaire. Des programmes humanitaires ont été arrêtés en 2024, tandis que plusieurs organisations ont dû réaménager leur présence opérationnelle, notamment en fermant leurs bureaux. 2025 a commencé avec la suspension de l’aide internationale américaine, qui a appuyé environ 50% de la réponse humanitaire en RCA en 2024, en appuyant notamment l’assistance vitale en vivres, l’appui aux soins de santé et l’approvisionnement en eau potable. Par ailleurs, la plupart de personnes affectées se trouvant dans des zones difficiles d’accès exigeant donc plus de ressources, les acteurs humanitaires pourraient face à des choix difficiles.  Pour anticiper la rareté de ressources, la communauté humanitaire a travaillé sur un plan d’opérationnalisation de la réponse humanitaire, de manière à aménager les priorités communes pour plus d’efficacité. 

En appui au gouvernement, les acteurs humanitaires continueront de répondre aux besoins humanitaires issus de chocs récents, notamment dans les zones qui enregistrent des mouvements de population, celles qui connaissent des épidémies et celles qui sont affectées par des chocs climatiques impactant les moyens de subsistance des populations. Cette approche permettra à de jeter des bases à consolider en temps de stabilité, complétant ainsi le plan national de développement qui vise notamment à renforcer la sécurité et développer les infrastructures 

 Pour plus de détails, consulter Les besoins et le plan de réponse humanitaire 2025

Les violences basées sur le genre : un fléau aux effets dévastateurs

 

Des survivantes de VBG formées
Des survivantes de VBG formées aux activités génératrices de revenus à l'Espace sûr de Rafaï mis en place par l'ONG Médecins d'Afrique (MDA) avec l’appui du Fonds Humanitaire pour la RCA. ©OCHA/N. Harold, Rafaï, Préfecture du Mbomou, RCA, 2024.

Les violences basées sur le genre (VBG) ont pris une ampleur inquiétante en République centrafricaine (RCA), suite aux normes socioculturelles défavorables aux femmes et aux filles, et ce malgré l’existence de politiques et de textes normatifs en la matière. Cette situation est également renforcée par la crise que traverse le pays depuis plusieurs années. Les violences envers les civils et l’insécurité, en particulier dans les localités situées hors des centres urbains continuent à augmenter la vulnérabilité de plusieurs millions de personnes, notamment les femmes, qui voient leurs moyens de subsistance s’éroder, et leur accès à la nourriture et aux services de base notamment les soins de santé et l’eau drastiquement limité. Ainsi en 2025, 2,4 millions de personnes – soit 38% pour cent de la population centrafricaine - seront extrêmement vulnérables, au point que seule l’assistance humanitaire ne suffira pas pour leur bien-être.

Une augmentation du phénomène

Si les déplacés et réfugiés sont souvent les faces les plus visibles de la crise en RCA, les VBG ont pris une ampleur inquiétante. Chaque heure qui passe en RCA, plus de deux personnes subissent des VBG, notamment les viols. Au cours des neuf premiers mois de 2024, plus de 15 500 cas de violences basées sur le genre (VBG) ont été signalés. Parmi les survivants, 96% sont des femmes et des filles. Selon les statistiques du système de gestion de l’information sur les VBG (GBVIMS) collectées auprès des services dédiés en 2023, les incidents de VBG ont augmenté de 1 910 cas, soit une hausse de 8% par rapport aux 23 644 incidents de VBG déclarés en 2022. Parmi les types de VBG, les cas de viols (35%) restent les plus signalés. La crise humanitaire prolongée qui à son tour est la cause de stress croissant au sein des ménages entraine une adoption des mécanismes de survie négatifs tels que le recours au sexe pour la survie et le mariage précoce des filles qui exacerbent les VBG affectant majoritairement des milliers de femmes et filles.

Survivre ou faire face au risque

C’est le difficile choix que nombreuses femmes doivent parfois faire en RCA, dans un contexte où l’accès aux moyens de subsistance comme les champs, ainsi qu’aux services de base comme l’eau et la santé est fortement restreint par l’insécurité résultant du conflit. L’ évaluation multisectorielle annuelle des besoins rapporte un sentiment d’insécurité pour au moins 25% de ménages enquêtés qui indiquent des risques dans l’accès aux services en eau pour les femmes et filles, les endroits de ramassage de bois et autres points de distribution, qui sont pourtant d’une importance capitale pour la survie quotidienne des ménages, bien qu’exposant particulièrement les femmes et les filles à des risques élevés de VBG dont les violences sexuelles, les exploitations et abus sexuels, la violence conjugale, le sexe pour survie, le mariage forcé, le déni de ressources, etc.

Une réponse à l’épreuve des ressources

Au troisième trimestre 2024, seuls 27 % des cas de VBG ont reçu un soutien psychosocial et des soins médicaux dans les 72 heures requises. Au mois de février 2024, le Coordonnateur Humanitaire a alloué 3 millions de dollars américains du Fonds humanitaire de la RCA pour combler les lacunes dans les interventions contre les VBG et favoriser l'innovation, ce qui représente 25 % du financement requis pour le domaine de responsabilité des VBG dans le cadre du Plan de réponse humanitaire 2024. En raison du manque de financement, de nombreuses survivantes de VBG ne reçoivent pas en temps opportun les services et l'assistance nécessaires qu'elles méritent. Les attaques contre les infrastructures de santé par les parties au conflit compliquent également l’accès des survivantes de VBG à une assistance médicale et l'accès de la population dans son ensemble aux services de soins de santé. Les affrontements entre les parties au conflit ont conduit à la fermeture de plusieurs établissements de santé, privant ainsi des milliers de personnes de soins de santé vitaux. Par exemple, en avril 2024, des affrontements armés dans la région du sud-est ont privé 5 000 personnes de soins médicaux.

La menace des engins explosifs

Une session de sensibilisation aux risques liés aux engins explosifs à Koui. © Handicap International, Préfecture de l'Ouham-Pendé, RCA

Date : mars 2025

Depuis 2021, les accidents impliquant des mines et autres engins explosifs demeurent préoccupants en République centrafricaine (RCA), en particulier dans l'ouest du pays. Toutefois, en 2024, une baisse de ces incidents a été observée, reflétant les efforts de sensibilisation et de déminage déployés dans les zones à risque.

Les civils demeurent les plus affectés malgré la baisse

En 2024, un total de 74 incidents et accidents impliquant des engins explosifs a été enregistré, causant la mort de 13 personnes dont 11 civils et faisant 28 blessés. Ces chiffres révèlent une baisse par rapport à 2023 où 27 personnes dont 22 civils ont trouvé la mort, et 55 avaient été blessés dans 79 incidents et accidents liés aux engins explosifs. Malgré cette diminution, les civils demeurent les principales victimes de ces engins.

Sur les quatre dernières années, l’ouest du pays reste la région la plus touchée, notamment dans les préfectures de l’Ouham, de l’Ouham-Pendé, de la Nana-Mambéré et de la Mambéré-Kadéï. Cette concentration régionale met en évidence des défis persistants liés à la sécurisation de ces zones et à la protection des populations civiles. Malgré une baisse en 2024, les données illustrent la nécessité de renforcer les mesures de déminage et de prévention, ainsi que l’aide aux victimes, particulièrement dans les zones à haut risque de l’ouest du pays.

Des mines antipersonnel avaient été découvertes dans le pays pour la première fois en 2022. Des habitants d’un village de Bambari, dans la Préfecture de la Ouaka, en avait trouvé deux près de chez eux et les avait signalées au Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) et à la MINUSCA qui les avait détruites avant qu'elles ne puissent nuire. Les mines antipersonnel sont interdites par la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, entrée en vigueur pour la RCA en 2003.

En juillet 2020, l'utilisation présumée de mines antichars avait été signalée pour la première fois dans le pays. L'un des dispositifs suspectés avait endommagé un char de la MINUSCA près de la frontière avec le Cameroun dans l’ouest du pays.

Sans distinction

Les victimes sont variées : une famille, des enfants, des agriculteurs, un travailleur humanitaire, des commerçants, des éléments armés, des casques bleus de l’ONU, des soldats et des prêtres. Les engins explosifs qui se déclenchent par la présence, la proximité ou le contact d’une personne ne font aucune distinction entre civils et combattants, soulevant ainsi des préoccupations majeures quant aux principes de distinction et de proportionnalité en vertu du droit international humanitaire.

Restriction de l’accès humanitaire et des activités socio-économiques

La présence présumée ou effective d'engins explosifs limite gravement l'accès humanitaire aux personnes vulnérables dans un contexte déjà marqué par des restrictions d'accès en raison de conflits armés et de contraintes physiques. En particulier dans les préfectures de l'Ouham, le Lim-Pendé, l’Ombella M’Poko, l’Ouham-Pendé, et la Mambéré-Kadei à l’ouest du pays, où près de 465 000 personnes ciblées pour la réponse humanitaire en 2025 risquent de voir leur assistance retardée ou suspendue notamment dans les secteurs de la sécurité alimentaire, la nutrition, l’accès à l’eau potable, la protection, et les violences basées sur le genre. Même si l’assistance par voie aérienne peut être envisagée, elle reste limitée au regard de son coût élevé et des priorités opérationnelles.

Les civils qui empruntent les différents tronçons routiers et sentiers dans le cadre de leurs activités génératrices de revenus et autres moyens de subsistance comme cultiver les champs, se trouvent très limités dans leurs mouvements, dans cette région où l’insécurité alimentaire a atteint un seuil critique. Dans ce contexte, la présence d’acteurs de la sécurité et du déminage demeure essentielle pour la protection des civils et la mise en œuvre des opérations humanitaires.

Protéger les civils et les travailleurs humanitaires

Depuis 2022, Humanité & Inclusion (HI), une ONG bénéficiant de financements du Fonds humanitaire de la RCA, mène des actions de sensibilisation auprès des personnes les plus vulnérables de la zone de Bocaranga et Koui (préfecture de l'Ouham-Pendé) sur les dangers des engins explosifs, leur apprenant les comportements sûrs à adopter pour réduire les risques auxquels elles sont confrontées.

En 2024, Humanité & Inclusion (HI) et deux organisations féminines locales Zo Kwe Zo (ZKZ) et l'Association des Femmes pour la promotion de l’entreprenariat (AFPE) ont mené des activités d’éducation aux risques des engins explosifs dans les sous-préfectures de Bocaranga et de Koui (Ouham-Pendé). Grâce à l'implication active de ces partenaires, 98 % des objectifs du projet ont été atteints, avec près de 13 000 personnes sensibilisées.

Une attention particulière a été portée à l'inclusion des personnes handicapées, des femmes, des filles et des personnes âgées. 120 points focaux communautaires, comprenant des leaders locaux, enseignants et représentants des personnes handicapées, ont été formés pour poursuivre les activités de sensibilisation après la fin du projet.

En 2024, UNMAS a sensibilisé 20 650 personnes, dont 13 950 enfants, sur les risques liés aux engins explosifs dans les préfectures de la Nana-Gribizi, Nana-Mambéré, de l’Ouham, de l’Ouham-Pendé et de la Mambéré-Kadéï. Des panneaux de sensibilisation ont été placés à des endroits stratégiques, des dessins et des photographies ont été utilisés pour enseigner les précautions nécessaires, le balisage et le signalement des engins explosifs.

Malgré les campagnes de sensibilisation en cours, il est nécessaire de renforcer l’éducation aux risques compte tenu de l’ampleur du problème. Des ressources supplémentaires seront nécessaires pour étendre la portée des projets d’éducation aux risques dans les régions les plus touchées.

Reprendre le cours de sa vie après un déplacement

Après plusieurs décennies de conflits, environ un Centrafricain sur cinq demeure déplacé à l’intérieur du pays ou à l’étranger, principalement dans les pays voisins. Une partie des 6,1 millions de centrafricains ont été contraints à se déplacer d’une ville ou d’une commune à l’autre, souvent à plusieurs reprises. Face à cela, les acteurs humanitaires et ceux du développement travaillent en soutien au gouvernement pour permettre aux personnes déplacées internes (PDI) et à certains réfugiés présents en République centrafricaine (RCA) de reprendre une vie normale, lorsque les circonstances le permettent.

La mise en place de solutions durables pour les PDI est une priorité. Une solution durable, lorsqu'elle est atteinte, signifie que les personnes n'ont plus besoin d'assistance et de protection spécifiques liées à leur déplacement. Les solutions durables impliquent un retour volontaire dans leurs foyers ou lieux de résidence, la réinstallation dans une autre zone du pays ou l'intégration dans une communauté d'accueil, l’idée étant de mettre fin à la dépendance à l'aide humanitaire. A côté de l’assistance fournie par les acteurs humanitaires pour répondre aux besoins urgents et immédiats des PDI et des réfugiés, l'engagement des partenaires du développement, de la consolidation de la paix et de la sécurité, en soutien au gouvernement, est nécessaire pour mettre en œuvre des solutions durables dans le cadre du nexus Humanitaire-Développement-Paix.

Le village intégré

Depuis 2022, 930 familles de PDI ont déménagé à Pladama Ouaka, une municipalité rurale située à environ 10 km de Bambari, dans la Préfecture de la Ouaka, intégrant plusieurs services avec le soutien des agences humanitaires, de développement et des autorités locales. Ces familles ont chacune bénéficié de 300 m2 de terrain sur lesquels ont été construites des maisons et des latrines pour qu’elles s’y installent. Des infrastructures sociocommunautaires comme des salles de classe, un marché, un mini-système d’adduction d’eau, des forages pour l’eau potable, des lampadaires à énergie solaire pour éclairer la nuit, des terres cultivables et un espace de pâturage ont également été mis à leur disposition afin qu’elles puissent également maintenir leurs moyens de subsistance.

Originaires de différentes régions du pays marquées par des violences, ces familles avaient fui et trouvé refuge sur un site de déplacés à Bambari pendant plusieurs années. En mai 2021, un incendie a provoqué la fermeture du site. De nouveau déplacées, ces familles sont passées par la mosquée centrale de Bambari, avant de s’installer dans différents quartiers de Bambari, où elles vivaient dans des conditions particulièrement difficiles, exposées aux risques de protection et à ceux d’épidémies.

Les autorités locales avaient identifié la commune de Pladama Ouaka comme lieu favorable pour la réinstallation volontaire d’une communauté de 50 000 personnes, et leur avaient alloué 124 hectares de terres. Environ 1 000 familles avaient accepté presque immédiatement de s'y installer. Dans un premier temps, environ 500 familles avaient bénéficié d’une assistance à la réinstallation par le biais de plusieurs agences des Nations Unies, notamment du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Programme alimentaire mondial (PAM), de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), et d’Organisations non gouvernementales (ONG) dont ACTED, AID, APADE, HOPIN, Humanité et Inclusion (HI), Intersos, International Medical Corps (IMC), Médecins Sans Frontières (MSF), Tearfund, Triangle, World Vision et les autorités locales.

Le village intégré de Pladama Ouaka.
Le village intégré de Pladama Ouaka. ©OCHA/Hadjara Abdou Galadima, Préfecture de la Ouaka, RCA 2024.

Une voie de 10 km partant de Bambari avait également été réhabilitée pour faciliter l'accès et renforcer la sécurité grâce notamment à des patrouilles de police. Après une phase initiale, où les familles s’étaient installées dans des abris de transition, des maisons avec une toiture en paille avaient été construites. Une pour chaque famille avec des latrines.

"Je suis tellement heureux d'avoir une maison car un homme sans maison est considéré comme un moins que rien dans la communauté", déclare Ibrahim Hassan, déplacé depuis 10 ans qui fait partie des premières familles à avoir emménagé dans les nouvelles maisons du village intégré de Pladama Ouaka. "Cette maison et la grande parcelle de terre qui m’ont été données me rendent ma dignité. Elles me donnent plus de sérénité dans mes occupations pour le bien-être de ma famille. L'avenir de mes enfants sera rempli de joie et non de douleur, ce qui me rend très heureux", déclare ce père de sept enfants.

Un hangar supplémentaire avait été construit au centre de santé local et un bâtiment scolaire réhabilité. Des fournitures scolaires et du matériel didactique avaient été distribués aux enseignants et aux élèves, ainsi que des tables-bancs pour équiper l'école. Trois forages avaient été réalisés dans le village permettant d’approvisionner en eau potable les habitants et les communautés environnantes. Ces familles avaient également reçu des kits vivriers et maraichers pour cultiver des légumes. Enfin, les structures de gestion communautaire avaient été renforcées pour résoudre les conflits et favoriser la cohésion sociale.

En vue de pérenniser la réinstallation de ces populations, 15 associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC) ont été mises en place, et des activités génératrices de revenus bénéficient à 300 ménages. Ce programme va permettre à ces populations de diversifier et/ou de trouver de nouveaux moyens de subsistance en tant qu’autoentrepreneurs, afin de créer des sources de revenus rentables et durables, contribuant ainsi à renforcer leur capacité de résilience et d’autofinancement de projets.

Réinstaller toute une ville

En 2022, un projet similaire visant à trouver des solutions durables avait été lancé à Bria, dans la Préfecture de la Haute-Kotto, où se trouve le plus grand site de PDI du pays. 37 000 PDI vivaient alors sur ce site situé à 3 km de la ville (PK3), dans une commune de 75 000 habitants. La plupart des personnes déplacées avaient fui la violence et l'insécurité du centre de Bria et trouvé refuge sur le site en 2017 et 2018. Depuis 2021, la situation sécuritaire à Bria s'améliore et les autorités étatiques, notamment la police, les forces armées et la justice sont revenues. Aujourd'hui, les autorités préfectorales soutiennent le retour volontaire de 3 455 familles dans les quartiers de Bria. Avec l’appui des partenaires humanitaires et de développement, ces familles bénéficient de matériaux pour reconstruire leurs maisons, de dons en cash et en matériels afin de leur permettre de fabriquer leurs propres briques, et de construire des abris semi-durables. Entre 2022 et 2023, l'ONG OXFAM avait réalisé 11 forages d’eau et huit postes d’eau autonomes solaires dont bénéficient désormais les nouveaux retournés. Depuis le démarrage du projet pilote, le nombre des PDI vivant sur le site PK3 continue de diminuer, passant d’environ 37 000 au début du programme en mai 2022 à 12 000 en mai 2024. En outre, cette dynamique a également entrainé le retour spontané d’autres familles vers leurs zones d’origine.

Pour faciliter l’installation dans les quartiers de retour, les familles ont également reçu un appui en cash pour s’approvisionner en biens non alimentaires, ou pour initier des activités génératrices de revenus.

Bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire afin de trouver des solutions durables pour les 12 000 PDI qui vivent encore sur le site PK3, il y a désormais un sentiment d'espoir pour un retour à une vie normale en dehors de ce site.

Des ressources supplémentaires requises

Entre décembre 2023 et janvier 2024, l’OIM a réalisé une enquête sur les intentions futures des PDI, avec l’objectif d’informer et orienter les stratégies de solutions durables dans le pays.

Selon les résultats de cette enquête, 58% de PDI vivant sur les sites ont l’intention de s’intégrer localement et durablement dans leurs zones de déplacement actuelles, 22% souhaitent retourner dans leurs zones d’origine, 7% optent pour la réinstallation et 13% ne sont pas prêts pour des solutions durables ou sont indécis. Quant aux PDI vivant dans les communautés d’accueil, 69% ont l’intention de s’intégrer localement et durablement dans leurs zones de déplacement actuel, 12% souhaitent retourner dans leurs zones d’origine, 3% ont opté pour la réinstallation dans une autre zone et le reste n’est pas prêt ou indécis en termes de solutions durables.

Le Fonds Humanitaire pour la RCA a joué un rôle catalyseur dans le financement en appui aux retours volontaires des PDI, dans la perspective de la réponse stratégique de ces dernières années qui vise notamment à renforcer la résilience des populations dans les zones de stabilité, à travers des solutions durables face aux déplacements prolongés. Cette dynamique a ainsi entraîné l’implication d’autres bailleurs de fonds notamment l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et le Service de la Commission européenne à la protection civile et aux opérations d’aide humanitaire (DG ECHO). Grâce à ces financements, des acteurs humanitaires et le PNUD continuent de mettre en place des solutions durables pour près de 6 000 familles retournées sur le point d’être réinstallées à Bria, Bambari et Kaga-Bandoro.

L’assistance fournie par les acteurs humanitaires constitue la première étape de l’appui aux retours. Elle devra être complétée par l’intervention de plus d’acteurs de développement et du gouvernement, et soutenue financièrement dans la durée.

Des déplacements persistants

Suite à l’insécurité, environ un Centrafricain sur cinq demeure déplacé soit l’intérieur du pays soit à l’étranger, principalement dans les pays voisins. Au 31 décembre 2024, le nombre total de personnes déplacées internes (PDI) en République centrafricaine (RCA) s'élève à 469 342 individus, dont 77 107 dans des sites (soit 16%) et 392 235 en familles d'accueil (soit 83%). Ces chiffres montrent une légère baisse de 500 PDI, soit 0,1% du volume total des déplacements, par rapport au mois de novembre 2024, où le nombre de PDI était estimé à 469 892 personnes. 

Depuis fin 2022, la tendance des mouvements observés à Bria dans le centre du pays est au retour. En janvier 2023, le site PK3 comptait 32 200 personnes contre 12 000 personnes en mai 2024, soit une baisse de d’environ 63%. Cette baisse se justifie par la mise en œuvre de programmes d’appui au retour tandis que l'amélioration des conditions sécuritaires dans les localités de provenance encourage également des retours spontanés des PDI dans leurs villes d’origine.

Donner la parole aux personnes affectées

 

En République centrafricaine (RCA), 2,4 millions de personnes – soit 38% pour cent de la population centrafricaine - seront extrêmement vulnérables, au point que seule l’assistance humanitaire ne suffira pas pour leur bien-être. Les évaluations menées par les acteurs humanitaires permettent de déterminer l’ampleur des besoins, comprendre leur nature et définir l’approche de réponse nécessaire. Pour développer un programme adapté et de proximité, la communauté humanitaire collecte également les points de vues et feedbacks des bénéficiaires au sujet de l’assistance reçue. Ces feedbacks permettent notamment de placer ces personnes au cœur de la réponse et ainsi d’adapter l’assistance en conséquence. Chaque année, le nombre de ménages consultés dans le cadre du cycle de programme humanitaire augmente en RCA. Ils étaient 28 000 en 2023, en hausse de 22% comparé à 2022.

Une thématique transversale

Le Groupe de travail sur la redevabilité envers les populations affectées (AAP), partie intégrante du groupe de coordination des différents secteurs (clusters) d’intervention humanitaire (Intercluster), est chargé de mettre en place et de suivre ces mécanismes visant à impliquer les communautés et à veiller à ce que soient appliqués les principes de redevabilité envers les communautés affectées. Ainsi, depuis 2019, le Groupe de travail AAP facilité par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a mis en place des mécanismes collectifs de feedbacks dans plusieurs zones d’intervention humanitaire à travers le pays. Ces mécanismes comprennent des Centres d'information et de feedback (CIF) présents principalement sur les sites de personnes déplacées internes. En 2023, près de 7 500 retours de plaintes des communautés ont été collectés via ces mécanismes. La même année, une approche mobile de ces mécanismes visant à recueillir des commentaires dans les zones difficiles d'accès a été testée, permettant ainsi de recueillir plusieurs plaintes concernant des questions d'assistance alimentaire, monétaire et de protection. En 2024, le Groupe de travail AAP a mis en place 20 CIF à Bria, Bambari, Kaga-Bandoro et Paoua dans le centre et l’ouest du pays. Ces CIF ont été mis sur pied par des Organisations non gouvernementales (ONG) nationales et gérés directement par les communautés et leurs leaders. Les équipes mobiles de collecte de feedback ont également été renforcées pour couvrir les zones difficiles d’accès dans le nord, sud-est, le centre et l’ouest du pays.

Le Groupe de travail sur la redevabilité envers les populations affectées (AAP) veille aussi à ce que les voix des communautés recueillies à travers divers mécanismes de feedbacks soient prises en compte par les acteurs humanitaires pour des actions correctives au niveau stratégique. Ainsi, ce groupe technique produit des analyses de tendances de perception des Centrafricains sur l’efficacité de la réponse humanitaire et sa capacité à couvrir les besoins essentiels, puis conseille les partenaires humanitaires sur les mesures correctives à prendre.

En outre, l’approche collective sur la redevabilité envers les communautés affectées en RCA inclut aussi la mise en place d’un service d’information humanitaire. En 2023, ce service d’information comprenait 22 radios communautaires opérationnelles. Ces radios de proximité ont notamment produit et diffusé des messages sur les mesures à prendre pour faire face aux inondations et pour bénéficier de l’assistance humanitaire. Lors de l’arrivée des réfugiés soudanais à Birao dans le nord du pays, le service d’information d’urgence, à travers la radio communautaire Yata, a permis d’informer les réfugiés sur les dispositions mises en place par les acteurs humanitaires pour leur venir en aide. Plus de 3 000 postes radios à énergie solaire ou à manivelles leur avaient aussi été distribués. Le soutien des radios communautaires aux interventions humanitaires demeure également important pour assurer une large diffusion des résultats de l’évaluation annuelle des besoins aux communautés, et en particulier de la façon dont ils sont utilisés pour orienter la planification stratégique de la réponse humanitaire.

La mise en place du service d’information humanitaire est un pilier important de la redevabilité envers les communautés affectées et souligne la nécessité d'une plus grande transparence dans les critères de ciblage, et d'une meilleure communication sur les limites de l'assistance humanitaire.

Des agents de l'ONG locale CNA collectent des feedbacks
Des agents de l'ONG locale CNA collectent des feedbacks et plaintes auprès des populations affectées à Bria,©UNOCHA, Préfecture de la Haute-Kotto, République centrafricaine.

Des défis majeurs à relever

Les enquêtes de perception des communautés révèlent un faible niveau de connaissance des mécanismes de plainte et de feedback. Seulement 27% des bénéficiaires savent comment déposer une plainte, et ce chiffre diminue à 13% parmi les non-bénéficiaires. Les communautés ayant une forte présence humanitaire, comme celles d’Obo, Bria, Zemio et Kaga-Bandoro, montrent une meilleure compréhension de ces mécanismes. Deux principaux facteurs expliquent cette faible compréhension : d'une part, les mécanismes mis en place par les acteurs humanitaires ne sont souvent pas adaptés aux canaux préférés par les communautés. D'autre part, ceux qui savent utiliser ces mécanismes sont souvent découragés de le faire, car les acteurs humanitaires ne répondent pas à toutes les plaintes et feedbacks qui leur sont soumis. « Nous ne recevions pas suffisamment de réponses à nos plaintes lorsque nous les déposions dans les boîtes à suggestions, mais grâce aux échanges directs avec les acteurs humanitaires, nous nous sentons mieux écoutés », explique Nadège Muzilut, une femme déplacée participant à une réunion communautaire de collecte de feedbacks et plaintes organisée par l’équipe mobile de l’ONG locale Cinéma Numérique Ambulant (CNA). Le taux de réponse des acteurs humanitaires aux feedbacks communautaires est d’environ 25%. Il est important de renforcer la communication sur l’utilisation des mécanismes de feedback et plainte, et en même temps d’améliorer le taux de réponse.

Améliorer les mécanismes de gestion des feedbacks et de plaintes

Des efforts pour améliorer le taux de réponse ont commencé depuis 2021 en digitalisant le système de collecte et de référencement des feedbacks et plaintes. Les acteurs humanitaires spécialistes des Télécommunications d’urgence avaient alors automatisé les mécanismes communs de gestion des feedbacks et plaintes en digitalisant le formulaire de collecte à travers l’application de gestion de relation clients SugarCrm.

Lancée en septembre 2021 à Bria avec l’appui du Programme alimentaire mondial (PAM), UNICEF et de l’ONG internationale INTERSOS, cette application est maintenant capable de garantir des référencements et des réponses en temps opportun aux plaintes et feedbacks reçus dans le cadre des mécanismes collectifs. En 2023, 3 530 feedbacks et plaintes ont été collectés via cette plateforme, et 98% ont reçu une réponse de la part des partenaires humanitaires.

En 2024, l’Equipe Humanitaire Pays a approuvé une stratégie AAP en parallèle d’actions clés pour informer les communautés sur l’existence des mécanismes de plaintes, renforcer les mécanismes collectifs à travers les approches fixes et mobiles, renforcer la participation des communautés dans le processus de planification de la réponse et d’évaluation des besoins, et développer des standards minimum AAP adaptés aux interventions de chaque secteur.

Les communautés au cœur des mécanismes de plaintes et de feedbacks

En 2024, les partenaires humanitaires ont reçu des financements notamment de la part du Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) et du Fonds humanitaire pour la RCA (FH RCA) pour avancer la mise en œuvre des mécanismes de retour d'information collectifs. 

Le FH RCA finance huit équipes mobiles de feedback et la maintenance de l'application numérique, tandis que le financement du CERF permettra la création de neuf centres d'information et de feedback dirigés par la communauté. Ces deux flux de financements complémentaires visent à assurer la durabilité des mécanismes de feedback en les intégrant aux structures communautaires locales, afin qu’ils survivent après la fin des projets. 

L'utilisation de la même application numérique pour référer et répondre aux retours facilite le suivi et la prise de décision commune. De plus, ces initiatives renforcent la participation des ONG nationales aux activités collectives AAP, contribuant ainsi aux efforts de localisation en RCA. Ce financement est important pour assurer la mise en œuvre de la stratégie AAP qui permet de renforcer une approche centrée sur l’humain dans la mise en œuvre des interventions humanitaires.

Faire progresser la localisation en République centrafricaine

Date : juillet 2024

Le site de décharge finale des déchets
Le site de décharge finale des déchets mis en place par l'ONG Action pour la Population et le Développement Durable (APSUD) avec l’appui du Fonds Humanitaire pour la RCA. ©OCHA/N. Harold, Rafaï, Préfecture du Mbomou, RCA, 2024.

La localisation de l'aide humanitaire en République Centrafricaine (RCA) est désormais une priorité, mettant en avant le rôle essentiel des acteurs locaux et nationaux pour répondre efficacement aux crises humanitaires. Le sommet humanitaire mondial de 2016 à Istanbul a mis l’accent sur la contribution des acteurs nationaux et locaux au succès de l’action humanitaire. En valorisant les connaissances et les réseaux des organisations locales, cette approche permet de concevoir et de mettre en œuvre des interventions d'urgence plus efficaces et durables. Les ONG locales, en première ligne face aux multiples crises que traverse le pays, jouent un rôle crucial grâce à leur compréhension approfondie du contexte et leur accès direct aux populations affectées. La localisation de l'aide humanitaire représente ainsi une stratégie essentielle pour améliorer la réactivité, l'efficacité et la pertinence de la réponse humanitaire dans un pays où 2,8 millions de personnes, soit 46 % de la population, sont extrêmement vulnérables et que l'assistance humanitaire, quoiqu’indispensable, n’est pas suffisante à elle seule pour rétablir leur bien-être.

Miser sur le local pour une aide humanitaire efficace

En 2022, la communauté humanitaire a mis en place une Task Force Localisation qui regroupe des plateformes et forums représentant des acteurs nationaux et locaux, des ONG nationales, ainsi que des organisations internationales ayant recours à la localisation. La stratégie de la Task Force Localisation a pour objectif de renforcer la représentation, la participation et le leadership des ONG nationales dans les structures de coordination d’assistance humanitaire, ainsi que leur participation dans la réponse humanitaire à travers le renforcement des capacités et du financement. Pour accompagner les acteurs nationaux, il est important de pouvoir les quantifier et les cartographier. Ainsi, avec le Conseil Inter ONG en Centrafrique (CIONGCA) et d’autres plateformes représentant les ONG nationales qui participent à la Task Force Localisation, une cartographie des acteurs nationaux et locaux a été élaboré en 2023 puis révisée en 2024. Cet exercice a démontré que les ONG nationales sont présentes sur 96% du territoire centrafricain.

Ces différents acteurs ont également élaboré la cartographie des difficultés que rencontrent les acteurs nationaux et locaux, développé des stratégies ainsi que des plans d'action avec quatre clusters pour s'assurer que les partenaires nationaux et locaux puissent progressivement assumer des rôles de leadership et de co-leadership dans les structures de coordination existantes. Des opportunités de renforcement de capacités existantes ont également été identifiées et la Task Force Localisation s’assure que les acteurs nationaux soient au courant, y participent activement, et puisent accéder à un financement direct et flexible.

La stratégie de la Task Force Localisation complète également les efforts du gouvernement et des acteurs spécialisés dans le développement et la consolidation de la paix, en renforçant la synergie entre les initiatives humanitaires et celles de développement durable.

‘’En participant aux structures d’orientation stratégique de la réponse humanitaire comme l’Equipe Humanitaire Pays et le Comité Consultatif du Fonds Humanitaire pour la RCA, nous nous assurons par exemple que les aspects liés à la redevabilité envers les personnes affectées soient pris en compte, et que les capacités nationales soient le plus possible intégrées dans la réponse humanitaire.’’ explique Anita Bissa, Coordonnatrice et fondatrice de l’ONG de femmes Wali Ti Kodro (WTK) et membre du Comité Consultatif du Fonds Humanitaire pour la RCA (FH RCA).

Premiers progrès enregistrés

La localisation fait partie des domaines de responsabilité de l’EHP, et des axes stratégiques de la réponse humanitaire en 2024. Le FH RCA a augmenté son taux de financement direct aux ONG locales et nationales en passant de 7% en 2022 à 20% en 2023, avec pour objectif d'atteindre au moins 25% en 2024. Concrètement, sur les 15,8 millions de dollars américains alloués par le FH RCA en 2023, 3,16 millions (20 %) ont été directement octroyés aux ONG nationales, soit une augmentation de plus de 200 % par rapport à l'année précédente. En parallèle, 22 % des 11 millions de dollars alloués par le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) ont également été indirectement alloués à 11 ONG nationales. Le FH RCA a promu la localisation pour renforcer les capacités nationales, soutenant 124 acteurs nationaux et évaluant les capacités de 21 partenaires potentiels, dont 76 % étaient des ONG nationales. Parmi les 12 nouveaux partenaires financés en 2023, huit étaient des ONG nationales, et 23 % des ONG nationales financées étaient dirigées par des femmes.

‘’Nous apprécions le progrès réalisé ces dernières années dans le cadre de la localisation, permettant aux ONGs nationales d’être en première ligne de la réponse humanitaire en RCA. Ceci a entraîné un important niveau de participation des ONG nationales en général, et les organisations des femmes en particulier, notamment en jouant un rôle de leadership dans la prise de décisions stratégiques sur la réponse humanitaire en République Centrafricaine’’, a déclaré Anita Bissa lors du briefing des Etats membres des Nations Unies sur la situation humanitaire en RCA organisé à New York en juin 2024.

Le FH RCA a également facilité des sessions de renforcement des capacités pour 30 ONG nationales et locales, qui ont eu pour effet d’augmenter les propositions de projets de qualité et une allocation de 27 % des fonds aux ONG nationales en 2023, dont 20 % en financement direct. Pour 2024, les priorités du FH RCA incluent la collaboration continue avec les clusters et groupes de travail, la représentation des organisations dirigées par des femmes, et l'objectif de canaliser 25 % du financement via les ONG nationales. Des efforts seront faits pour traduire les progrès nationaux en plans d'action provinciaux, en collaboration avec les structures de coordination régionales.

Un long chemin reste à parcourir

La localisation de l'aide humanitaire en RCA a certes progressé en 2023 et des priorités claires sont établies pour 2024. Les acteurs locaux et nationaux représentent le plus grand nombre d’acteurs humanitaires dans le plan de réponse humanitaire 2024 en RCA. Il est indispensable de renforcer les efforts pour assurer des partenariats équitables avec les ONG nationales, garantir un financement adéquat et leur intégration significative dans les structures de coordination et de prise de décision. Bien que le financement des ONG nationales par le FH RCA ait augmenté de manière significative, les financements directs dans le cadre du Plan de réponse humanitaire, principale source de mobilisation de ressources, restent inférieurs à 2 %. S’il y a eu des avancées au sein des mécanismes de financement sous le lead du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), ce n’est pas le cas pour d’autres mécanismes. Malgré les efforts déployés par le FH et le CERF, cela n'a que peu d'impact sur le financement global des ONG locales. « Nous aimerions voir de plus en plus d’acteurs et les bailleurs de fonds en particulier avoir des objectifs chiffrés de financement des organisations nationales », explique Thierry Adoum, Secrétaire Général de CIONGCA. « Nous aimerions que les acteurs internationaux comprennent que le financement des acteurs nationaux ne signifie pas localisation. Au-delà, il est essentiel de les inclure dans tout le processus de décision et de définition stratégique des programmes », a-t-il poursuivi. Par ailleurs, le niveau de capacités demeure un frein aux possibilités équitables d'assumer des rôles de leadership et de co-leadership au niveau national et sous-national. L’inclusion des partenaires locaux sur le terrain dans la mise en œuvre des programmes humanitaires demeure un grand défi également, ces acteurs étant encore largement concentrés à Bangui. En valorisant les acteurs locaux et en leur donnant les moyens d'agir, la communauté humanitaire œuvre pour une réponse plus efficace, durable et mieux adaptée aux besoins des populations centrafricaines.

L'impact de la crise au Soudan en République centrafricaine

Originaire de Nyala, Mahamat Ahmat Hassan Abdulahman (à droite) est aujourd'hui installé sur le site de demandeurs d'asile Korsi, à Birao. Il a dû fuir avec ses cinq enfants et sa femme, après avoir perdu tous ses biens, dont son commerce qui a brûlé lors des violences au Soudan. ©UNHCR/Josselin Brémaud, Préfecture de la Vakaga, République centrafricaine.

Au Soudan voisin, les affrontements entre les forces armées soudanaises (SAF) et les forces de soutien rapide (RSF) se poursuivent depuis le début du conflit en avril 2023, entraînant des déplacements massifs de population. En deux ans de combats brutaux, une crise alimentaire aiguë sévit au Soudan, avec certaines régions risquant de connaître des niveaux catastrophiques d'insécurité alimentaire d'ici la période de soudure. En août 2023, le gouvernement centrafricain avait reconnu les Soudanais fuyant le conflit comme des réfugiés prima facie.

Depuis, la République centrafricaine (RCA) a accueilli près de 43 000 personnes, dont 36 437 réfugiés soudanais et 6 360 ressortissants centrafricains qui avaient auparavant cherché refuge au Soudan. 

Plus de 25 000 réfugiés se sont installés dans la préfecture de la Vakaga (Korsi/Birao), l'une des régions les plus pauvres et reculées du pays, caractérisée par des conditions climatiques difficiles, sécheresses fréquentes et précipitations erratiques qui exacerbent la rareté des ressources et les défis pour les personnes déplacées et les communautés hôtes. Le reste, plus de 11 300 se trouvent dans des zones difficiles d’accès (Bamingui-Bangoran, Haute-Kotto, Ouaka, Mbomou, et Haut-Mbomou) où seules des mesures de protection, d’enregistrement et de documentation sont assurées en raison du contexte sécuritaire complexe et des défis logistiques. 

Les attaques continues entre parties adverses au Soudan augmentent les risques de nouveaux déplacements, ce qui pourrait inciter davantage les Soudanais à traverser la frontière d’Am Dafock pour se réfugier en RCA. Avec la fin de la saison des pluies et une meilleure accessibilité des routes, une hausse des arrivées, notamment à Korsi, est anticipée.

Conséquences économiques

En raison de l'insécurité qui règne le long de la frontière, le trafic entre le Soudan et la RCA a été fortement perturbé, ce qui a entraîné une forte augmentation du prix des produits de première nécessité. Le Soudan approvisionne plusieurs villes de la RCA, particulièrement Birao dans la Préfecture de la Vakaga et Ndélé dans la Préfecture de Bamingui-Bangoran. Pendant la saison des pluies qui dure d'avril à octobre, l'accès est très difficile et l'approvisionnement dépend largement du Soudan. Pour certains produits, les prix ont doublé́ dès le début de la crise. Un sac de sucre de 50 kg, qui se vendait 40 000 francs CFA avant le conflit est passé à 80 000 francs CFA à Birao. De même, un petit bol de millet, auparavant vendu à 500 francs CFA est passé à 1 000 francs CFA. L'intervention de la communauté humanitaire a permis d'établir une certaine stabilité des prix en approvisionnant plusieurs tonnes de certains produits de Bangui à Birao. La région nord de la RCA connaissait déjà une insécurité alimentaire aiguë, une situation qui pourrait atteindre l'un de ses stades les plus graves si une réponse adéquate n'est pas apportée.

Réponse humanitaire

En 2025, 579 000 personnes sont particulièrement vulnérables que seule l’assistance humanitaire ne suffira pour leur bien-être dans la région nord du pays, regroupant les préfectures de la Vakaga, de Bamingui-Bangoran, de l’Ouham, de l’Ouham-Pendé et de la Nana-Gribizi. Les réfugiés soudanais continuent d’arriver dans des régions à besoins humanitaires importants, mettant plus de pressions sur le peu de ressources disponibles.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et la Commission Nationale Pour les Réfugiés (CNR) coordonnent le monitoring des frontières, l’accueil, le screening et l’enregistrement des nouveaux arrivants. En collaboration avec la CNR et la communauté humanitaire (y compris les agences des Nations Unies, les ONG internationales et locales), le HCR fournit une assistance vitale, notamment des services de protection, de la nourriture, l’eau potable, des abris d’urgence et des latrines, des articles ménagers essentiels, des soins de santé et de l’éducation atteignant plus de 25 000 réfugiés à Korsi, un quartier identifié par le gouvernement dans la ville de Birao, dans la préfecture de Vakaga, à 65 km de la frontière d’Am-dafock. La réponse humanitaire est également organisée à Ndele (Bamingui-Bangoran) et Sam-Ouandja (Haute-Kotto). 

Selon le Plan régional de réponse aux réfugiés (PRR) du HCR en 2025, 76,4 millions de dollars américains seront nécessaires pour répondre aux besoins de plus de 50 000 réfugiés soudanais, dont 20 000 nouvelles arrivées. L'assistance visera également 2 457 ressortissants centrafricains de retour (dont 1 000 attendus en 2025) et 27 900 membres des communautés hôtes. Cette année, la réponse évolue vers le renforcement de la protection et l’assistance aux populations affectées par la crise en soutenant le gouvernement, les réfugiés et les communautés locales. Dans sa première phase, les partenaires continueront de collaborer avec le gouvernement afin de garantir l’accès au territoire et à l’asile, tout en assurant l’enregistrement biométrique et la documentation des nouveaux arrivants. Ils fourniront la protection et l’assistance aux réfugiés soudanais par le biais d’une réponse inter-agences complète et d’une aide multisectorielle sur le terrain.

Dans sa deuxième phase, l'accent sera mis sur l’identification et l’apport de l’aide aux réfugiés de retour, notamment en réintégrant les ressortissants centrafricains et les anciens réfugiés revenus dans des conditions défavorables. Plusieurs anciens réfugiés du Soudan se sont réfugiés en RCA dans des situations précaires nécessitant protection et assistance. Ces personnes vulnérables bénéficieront d’un soutien ciblé et de services de protection spécialisés.

Dans sa troisième phase, les partenaires orienteront également leur réponse vers le renforcement de la résilience et la cohésion sociale en promouvant la localisation de la réponse et en veillant à ce que les interventions soient durables et basées sur les communautés, notamment grâce à l’implication d’organisations de la société civile dirigées par des personnes déplacées, des femmes, des jeunes et des personnes handicapées.

Les financements humanitaires en baisse

Dans le contexte actuel du sous-financement de l’aide humanitaire au niveau global, les partenaires humanitaires font face à des contraintes croissantes pour maintenir des programmes critiques et répondre aux besoins des populations les plus vulnérables, menant parfois à des choix difficiles. 

Face à cette situation, le HCR et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont alerté sur une pénurie imminente d’aide d’urgence pour soutenir plus de 30 000 réfugiés et leurs communautés hôtes en 2025, nécessitant un financement urgent de 14,8 millions de dollars. La crise est aggravée par une insécurité alimentaire croissante, l’insuffisance des services de base et la pression exercée sur des communautés déjà vulnérables, en particulier dans les zones où l’accès humanitaire reste difficile. Le PAM, qui a déjà apporté une assistance alimentaire à près de 20 000 réfugiés, risque de devoir réduire ses distributions faute de financements suffisants, compromettant ainsi la survie immédiate et l’avenir de ces populations.

Des milliers de tchadiens se réfugient en RCA

Date : Novembre 2024

En avril 2023, plus de 38 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, dont plus de 6 000 rapatriés centrafricains en provenance du Tchad, sont arrivées en République centrafricaine (RCA) dans 53 villages des communes de Mia-Pende et Bah Bessar, situés à environ soixante kilomètres au nord de Paoua dans la préfecture de Ouham-Pendé, fuyant des conflits intercommunautaires impliquant un groupe armé. Certaines d’entre elles sont hébergées par des familles d’accueil, elles-mêmes vivant dans l’une des vulnérabilités les plus sévères du pays, tandis que d’autres ont réussi à retourner au Tchad. Pour une meilleure protection des demandeurs d'asile, le gouvernement a identifié un site à Betoko où les personnes qui fuient le Tchad peuvent s'enregistrer et recevoir une assistance multisectorielle. Le 20 juin 2024, journée mondiale des réfugiés, le gouvernement centrafricain a accordé le statut de réfugié Prima Facie aux 3 194 tchadiens résidant à Betoko. Au 31 juillet 2024, le HCR et la CNR ont mené une vérification auprès des autorités locales pour savoir combien des quelques 29 000 demandeurs d’asile tchadiens vivaient encore dans les localités hors de Betoko. Suite à cette vérification, 6 712 demandeurs d'asile ont été recensés présents par les autorités dans ces localités.

Chadian Refugees
Des milliers de tchadiens fuyant des conflits intercommunautaires impliquant un groupe armé ont trouvé refuge en RCA depuis un an. ©UNHCR/Lala Sy, le site de Betoko, Préfecture de la Lim-Pendé, République centrafricaine, 2024.

Une crise de protection

Depuis la fin 2022, des incursions de ce groupe armé, sur fond de tensions intercommunautaires notamment liées à la transhumance, ont fragilisé la protection des populations de cette région. Plusieurs civils ont été tués, entre autres pour leur appartenance à l’une ou l’autre communauté proche de l’une ou l’autre des parties au conflit. Les échanges commerciaux dans cette région frontalière sont perturbés par l’insécurité résultant des différentes incursions armées et le prélèvement des taxes additionnelles, faisant flamber le prix des certaines denrées alimentaires et non alimentaires jusqu’à 50% de leur prix habituel. L’insécurité alimentaire dans la région fait partie des plus critiques du pays et l’accès aux champs pour les demandeurs d’asile et les résidents demeure fortement limité. En mai 2023, la RCA et le Tchad avaient lancé des opérations militaires conjointes en vue de protéger les civils de part et d’autre de la frontière. Un mois plus tard, une délégation de haut niveau composée du Premier Ministre et des hauts fonctionnaires des Nations Unies et des Organisations non gouvernementales (ONG) se rendait à Bedaka dans la Sous-préfecture de Paoua pour se rendre compte de l’ampleur de la situation.

Les besoins humanitaires explosent

Ce mouvement de population est intervenu dans une région où les besoins humanitaires étaient déjà parmi les plus sévères du pays, et les ressources pour faire face à des besoins supplémentaires deviennent de plus en plus limitées. En 2024, la Lim-Pendé demeure la préfecture avec le plus grand nombre de personnes ayant besoin d’assistance, ce qui était le cas également l’année précédente. Selon l’aperçu des besoins humanitaires, 401 000 personnes y sont extrêmement vulnérables que seule l’assistance humanitaire ne suffira pour rétablir leur bien-être, et l’arrivée des demandeurs d’asile augmente encore la charge.

La pression sur les infrastructures existantes et services de base dans les localités d’accueil a également augmenté. Selon les autorités locales, certains villages ont vu le nombre d’habitants presque décupler. Ainsi, l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement (EHA), ainsi que la santé devient problématique. Dans la localité de Bembere, Sous-Préfecture de Paoua, la distance minimum pour parvenir au centre de santé le plus proche atteint les 7 km. Face à cette situation qui peut être à la base de tensions entre les communautés d’accueil et les demandeurs d’asile, le renforcement des mécanismes de prévention et de gestion de conflits intercommunautaires est nécessaire pour la mise en œuvre des programmes d’aide d’urgence.

Déploiement de la réponse

Depuis juin 2023, la communauté humanitaire apporte une assistance multisectorielle dans la Sous-préfecture de Paoua, mais également dans celle de Markounda, régions d’accueil des demandeurs d’asile. Cette réponse couvre également les familles qui les hébergent. Les humanitaires ont distribué, des rations alimentaires à plus de 29 200 demandeurs d’asile et aux membres des familles hôtes. Ces rations alimentaires assurent 30 jours d’alimentation chaque mois. De plus, du cash a été distribué à plus de 350 ménages, dont 250 ménages parmi les demandeurs d’asile les plus vulnérables sur le site de Betoko, et le reste aux familles d’accueil. Des besoins demeurent non couverts dans la distribution des semences pour offrir aux familles des demandeurs d’asile des alternatives pour leur alimentation. Plus de 840 familles de Bedaka et environs ont reçu des biens non-alimentaires comprenant notamment des bâches, savons, purifiants d’eau, seaux, serviettes hygiéniques, vêtements et chaussures. Certaines de ces familles ont également reçu des abris d’urgence. Des besoins demeurent non couverts dans ces deux secteurs pour plusieurs centaines de familles de demandeurs d’asile et leurs familles d’accueil.

En réponse aux besoins liés à l’accès à l’eau potable et assainissement à Bedaka, les acteurs humanitaires ont réhabilité 16 forages, distribué des purifiants d’eau, des kits d’hygiène et sensibilisé la population sur les bonnes pratiques d’hygiène et assainissement. Des ouvrages d’eau dans six autres localités nécessitent une réhabilitation, mais face à l’ampleur des besoins, la construction de nouvelles infrastructures est envisagée. En plus de la réparation des points d'eau dans les villages d'accueil, six forages avec château d'eau sont également opérationnels sur le site de Betoko. Les partenaires humanitaires ont également remis aux centres de santé de Begouladje, Bedaya, Bedam, Betoko et Markounda des médicaments et du matériel médical pour la prise en charge gratuite des demandeurs d'asile, y compris pour la malnutrition. Cet appui a entre autres permis, notamment à travers des cliniques mobiles, de vacciner les enfants de moins de cinq ans dans cette région où ils n’étaient pas vaccinés dans 40% de ménages. Il a également permis de contenir les pics des cas de paludisme caractéristiques de la saison des pluies (avril-octobre), à travers la distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide.

Au mois de mars 2024, les partenaires humanitaires ont déjà construit 1 250 abris, parmi lesquels 800 sont actuellement occupés par 800 familles, tandis que 450 autres sont en attente de l'arrivée de nouveauxl demandeurs d’asile de Markounda et des axes au nord de Paoua. De plus, 14 blocs de latrines et de douches sont opérationnels sur le site de Betoko. Des besoins demeurent non couverts dans le domaine de l’éducation d’urgence suite au fait que six écoles sont non fonctionnelles, et celles qui le sont affichent des faibles capacités d’accueil. Les enfants demandeurs d’asile ont pris du retard dans leur scolarité pendant leur fuite. Plusieurs enfants ont besoin de réintégration scolaire. Parmi eux, 510 enfants sont inscrits dans les écoles primaires et au collège de Betoko. Les inscriptions se poursuivent au fur et à mesure de l’arrivée des ménages sur le site de Betoko.

Pour répondre aux cas de violences basées sur le genre notamment les viols, les acteurs humanitaires sensibilisent les demandeurs d’asiles et communautés d’accueil à la prévention, appuient le référencement des survivantes vers les structures de prise en charge et distribuent des kits de dignité. La plupart de demandeurs d’asile, y compris les enfants, n’ont pas de documentation civile et les acteurs humanitaires planifient d’apporter l’appui nécessaire. La mise en place des mécanismes de protection à base communautaire fait également partie des besoins à couvrir dans le domaine de la protection.

Au total, c'est désormais 367,7 millions de dollars que la communauté humanitaire devra mobiliser en 2024 pour répondre aux besoins les plus urgents de 1,9 millions de centrafricains, parmi les plus vulnérables, dans un contexte global de baisse des financements humanitaires. Les capacités d'absorption des besoins supplémentaires sont très limitées.

Analyse : Vivre ou simplement être vivant : la difficile vie des personnes déplacées internes

Date : mars 2024

Une famille sur un site pour personnes déplacées, ©OCHA, Préfecture de la Nana-Gribizi, République centrafricaine
Une famille sur un site pour personnes déplacées, ©OCHA, Préfecture de la Nana-Gribizi, République centrafricaine

Les personnes déplacées internes (PDI) de Batangafo dans la Préfecture de l’Ouham à l’ouest du pays viennent de passer 10 ans sur les différents sites d’accueil. Malgré un processus de retour volontaire des ménages originaires de Batangafo centre et de l’axe Bouca, 901 ménages de 3 656[i] personnes déplacées demeurent encore sur ces sites. Ces lieux avaient été créés en 2014 au plus fort du conflit centrafricain, pour abriter les populations de Batangafo et des villages voisins en quête de refuge. Avec ce séjour prolongé sur un site pour PDI, certaines d’entre elles appellent à une assistance afin de retourner dans leurs milieux d’origine et reprendre une vie normale, mais la décision ne vient pas aisément. A cause de l’insécurité, un Centrafricain sur cinq est actuellement déplacé à l’intérieur du pays ou a trouvé refuge à l’étranger, principalement dans les pays voisins.

Les violences envers les civils et l’insécurité dans les localités hors des centres urbains continuent d’impacter le bien-être de plusieurs millions des Centrafricains qui voient leurs moyens de subsistance se détériorer et leur accès à la nourriture, à l’eau potable et bien d’autres services de base, notamment les soins de santé drastiquement limité. En 2024, 2,8 millions de personnes, soit 46% de la population, seront extrêmement vulnérables en République centrafricaine que seule l’assistance humanitaire ne suffira pas pour leur bien-être.

Né et grandi dans un site pour personnes déplacés internes

Reine Koutigué a célébré son dixième anniversaire au même moment que le site de Baga à Batangafo où elle est née et où elle réside toujours. Grâce à l’appui des acteurs humanitaires à l’hôpital de Batangafo, la mère de Reine a pu bénéficier des soins nécessaires pendant la période prénatale jusqu’à l’accouchement. Cependant, lors de son anniversaire, elle n’a pas soufflé des bougies comme le font d’autres enfants, ni reçu de messages de souhaits. Malheureusement, c’était un jour comme les autres, marqué par une promiscuité aux effets déstabilisants pour un enfant de son âge. La fillette n’a jamais vécu dans un habitat traditionnel, comme le village d’origine où se trouvait la maison de ses parents.

Actuellement en classe de CM1 (Cours moyenne niveau 1), Reine rêve de faire carrière dans la santé pour soigner ses frères et sœurs. « Je ne voudrais pas que mes frères meurent. Je vais les soigner quand je serai grande. C’est pourquoi je voudrais travailler à l’hôpital », a-t-elle confié. Comme Reine, beaucoup d’autres enfants sont nés et sont en train de grandir dans le site de Baga. Selon des témoignages, certains de ces enfants n’agiraient pas comme ceux nés dans un habitat traditionnel et auraient des comportements quelque peu différents.

« Je le trouve parfois solitaire, parfois agressif, et je pense que cela pourrait être lié à l’environnement dans lequel il grandit », a observé Emmanuel Mokpême, père du petit Edouard qui comme Reine fêtera son dixième anniversaire bientôt. Le petit rêve de devenir enseignant, mais son père a quelques doutes sur sa capacité de concentration par rapport aux autres enfants nés et ayant grandi dans un village traditionnel. « C’est le manque de repères, de jeux, de modèles, d’une vie quotidienne normale qui fait tout cela », a ajouté Emmanuel Mokpême qui souhaite voir son fils grandir en dehors du site pour personnes déplacées internes (PDI).

Des intentions de retour parfois à l’épreuve des ressources et de l’insécurité

La décision de retourner n’est pas sans difficulté pour les PDI. Suite à l’amélioration des conditions sécuritaires, certaines PDI décident de retourner chez elles mais nécessitent des moyens pour se réinstaller. Lors du déplacement, les habitations sont soit délabrées soit pillées et parfois brûlées par les parties au conflit. Dans d’autres situations, les PDI doivent choisir entre rester sur les sites, retourner dans leurs milieux d’origine parce que lassées par les conditions précaires des sites même si les conditions sécuritaires ne sont pas très rassurantes, ou rester sur le site car ne possédant plus rien dans leurs milieux d’origine. « Nous n’avons plus de maison. Nous sommes venus de la ville de Bouca à 90km de Batangafo. Et retourner, ce n’est plus possible à cause de l’insécurité », a fait savoir Sabé Isaï qui vit dans le site pour PDI de Baga depuis 10 ans. En janvier 2024, 522 000 PDI ont été enregistrées en République centrafricaine (RCA). 109 000 personnes vivent toujours sur le site et 413 000 autres sont hébergées par des familles d’accueil. Au total 197 000 personnes sont retournées chez elles lors des 12 derniers mois suite notamment à l’amélioration de la situation sécuritaire.

Adapter la réponse humanitaire

En fonction des spécificités de chaque zone, la communauté humanitaire met en œuvre de l’assistance d’urgence ou l’appui aux retours volontaires de PDI, en partenariat avec d’autres acteurs. La situation humanitaire en RCA est volatile. Les acteurs humanitaires adaptent leur réponse en tenant compte de cette réalité, et collaborent avec d’autres acteurs, notamment pour les programmes d’appui aux retours volontaires.

Dans ce cadre, l’appui aux retours volontaires fait partie des quatre axes de la stratégie d’intervention du Plan de réponse humanitaire 2024. En 2023, les acteurs humanitaires ont accompagné le retour volontaire de plus de 1 220 ménages, soit 4 467 personnes déplacées à Batangafo centre, notamment en fournissant des abris transitionnels, réhabilitant des ouvrages d’eau, d’hygiène et d’assainissement, fournissant des articles ménagers essentiels et en appuyant des activités génératrices de revenus pour les ménages retournés. Au côté du Bureau pour l’assistance humanitaire (BHA) de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), le Fonds Humanitaire pour la RCA est l’un des donateurs clés pour ce premier appui vital pour les personnes retournées. Il a déboursé plus de 2,6 millions de dollars. Une fois réinstallées, les personnes retournées ont des besoins auxquels l’assistance d’urgence n’est plus adaptée et nécessitent l’intervention d’autres types d’acteurs, notamment pour la relance des services sociaux de base.

[i]Rapport de la Commission Mouvement de Populations (CMP) de mars 2024